Une écologie décoloniale - Penser l'écologie depuis le monde caribéen by Malcom Ferdinand

Une écologie décoloniale - Penser l'écologie depuis le monde caribéen by Malcom Ferdinand

Auteur:Malcom Ferdinand [Ferdinand, Malcom]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Nature, Ecology, Political Science, General
ISBN: 9782021388503
Google: 0saxDwAAQBAJ
Éditeur: Le Seuil
Publié: 2019-10-02T07:00:00+00:00


Les Marrons savent si bien que le défrichement sonne le glas des communautés de fugitifs qu’ils s’y opposent de toutes leurs forces : à la Grande-Terre – l’île jumelle de la Guadeloupe – les Grands-Fonds, « bien que réputés pour être le meilleur terrain », restent inhabités « par crainte des Nègres Marrons qui des forêts de ce canton croient faire leur retraite et leur fort » ; les plus courageux des concessionnaires ont dû reculer devant les bandes399.

Dans la défense de leurs lieux de vie et de refuge, se trouve ici une des premières actions écologiques populaires. À la suite du développement de la déforestation, aucune grande communauté n’a été créée.

Cette posture protectrice des forêts fut à l’œuvre à Sainte-Lucie (une ancienne colonie française). Durant les guerres de Marrons contre l’Empire colonial britannique, les Marrons s’étaient constitués en groupes armés, en freedom fighters, afin de lutter pour leur liberté. Des alliances furent formées entre ces Marrons et quelques officiers de l’armée française. Le rapport instauré entre ces Marrons, ces terres et les forêts de l’île est traduit dans le nom que ces groupes ont adopté : « l’Armée française dans les Bois400 ». Composée majoritairement de Marrons, cette armée fut redoutée en raison de la ferveur de ses membres à défendre leur vie. Pareillement, en Dominique (également ancienne colonie française), des Marrons se sont organisés aussi en armée dans les bois. Connu comme le « plus ancien chef » et « la tête suprême », Jacko a marronné pendant quarante-six ans, prenant part aux deux Maroon Wars opposant Marrons et autorités coloniales britanniques. Ce chef Marron se faisait appeler « le gouverneur des bois401 », marquant symboliquement l’emplacement de la forêt comme source de la résistance antiesclavagiste.

Enfin, cette figure du Marron écologiste trouve son expression la plus impressionnante dans l’histoire de certains Marrons du Suriname appelés les Saramaka. La communauté Marronne des Saramaka s’est fondée au XVIIIe siècle et existe encore aujourd’hui à cheval entre la Guyane et le Suriname. Isolés dans la forêt du Suriname, luttant pour leur reconnaissance, ces Marrons furent confrontés à la spoliation de leurs ressources forestières par le « monde extérieur » qui les « rattrape ». Après avoir respecté les accords de paix de 1762, le gouvernement surinamien construisit le barrage d’Afobaka qui engloutit sous les eaux au milieu des années 1960 toute une partie du milieu de vie forestier des Saramaka. Depuis, parallèlement à des atteintes aux droits de l’homme, les forêts du peuple saramaka furent convoitées par des entreprises internationales ainsi que des organisations de protection de la nature qui tendaient toutes à expulser les Saramaka de ces lieux. Après des années de batailles juridiques auprès de la Commission interaméricaine des droits de l’homme, puis de la Cour interaméricaine des droits de l’homme, les représentants du peuple saramaka eurent gain de cause402. Pour leur lutte victorieuse pour préserver ces forêts comme partie intégrante de leur communauté contre l’État du Suriname, deux représentants des Saramaka, le capitaine en chef Wanze Eduards et l’étudiant en droit Hugo Jabini, reçurent le prix Goldman pour l’environnement en 2009.



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